Qu’est-ce qu’un juré d’assises ? Si je suis tiré au sort, dois-je obligatoirement participer ? Est-ce que tout le monde peut être tiré au sort pour être juré d’assises ? Comment bien suivre un procès ? Quel est le déroulé d’une sélection aux jurés d’assises ?
Un juré est un citoyen tiré au sort sur les listes électorales pour siéger à la cour d’assises. Il participe aux côtés des magistrats professionnels au procès des personnes accusées de crime. Le juré exerce pleinement la fonction de juge. service-public.fr
Acquis issu de la Révolution Française, c’est à partir de 1791 que siègent les premiers citoyens pour former le « Jury criminel » des Cour d’Assises du Pays. Depuis, cette obligation est toujours d’actualité. C’est ce principe qui m’a amené, à être tiré au sort, une expérience qui peut vous arriver à tous ! Dans cet article, je vous livre mon témoignage. Je vais vous décrire mon parcours : de la réception de la première lettre à ma participation à un procès. J’espère vous aider, afin de rassurer, expliquer, et dédramatiser cette expérience qui peut malgré tout parfois prendre aux tripes.
Moi, Anthony, citoyen comme tous les autres…
Chaque année, ce sont des centaines de citoyens qui sont tirés au sort sur les listes électorales dans le but de participer à des sessions criminelles (Meurtres, viols…) au travers des « Sessions d’Assises départementales » ; sessions qui peuvent durer plusieurs semaines. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’une grande liste est établie l’année précédente, de cette grande liste seront extraites une trentaine de jurés titulaires et une bonne dizaine de jurés supplémentaires pour chaque session de l’année ! Entre la lettre d’information initiale et la présence finale au tribunal, plusieurs tirages sont effectués pour écarter les cas d’inéligibilité et étudier les demandes de dispenses (Maladie, grand âge…). Mais ne vous faites pas trop d’illusion, la cour pourra vous sanctionner en cas d’absence le jour de l’audience sans motif recevable ou prévu par la Loi (jusqu’à 3.750€ d’amende). Si vous avez entre vos mains le courrier de convocation assorti d’un « numéro de Juré », alors vous pouvez dès à présent considérer que les chances de participer à un procès sont très élevées, mais sachez que vous serez, si tout va bien, informé au moins un mois à l’avance !
C’est là que j’entre en scène…J’ai été tiré au sort pour siéger sur une session de deux semaines en tant que Juré Titulaire (liste principale), soit la dernière session de l’année ! (Si je n’avais pas été sélectionné, l’année 2021 aurait été un nouveau tirage sur les listes électorales).
La convocation finale invite le juré à se présenter, souvent un lundi matin, pour assister à une formation ultra-rapide et un premier repérage des lieux. Cette dernière s’est pour moi déroulée dans la salle d’audience, en présence de tous les autres jurés tirés au sort :
- Présentation vidéo de la fonction de juré
- Présentation des rôles de chacun au travers d’un témoignage direct :
- Du président de la Cour
- D’un Avocat de la Défense (Accusé ou coupable)
- D’un Avocat Général (Représentant des intérêts de l’Etat)
A cette occasion est disposé sur nos sièges « le planning général » de la session à venir, qui démarre dès le lendemain matin. A cet instant, et à la lecture d’un tel document, une bonne dose de stress s’installe alors dans l’assemblée…Enfin, l’après-midi est souvent proposée une visite de prison, mais dans le contexte sanitaire actuel, cette visite n’a pas eu lieu et nous avons été libérés jusqu’au lendemain matin pour la première affaire.
Le procès débute et le stress monte…
1er jour d’audience : Il est 9h, la foule est bien plus nombreuse et les regards sont graves dans l’assemblée de jurés tout juste assise dans les sièges du public. L’attente se fait longue et nous voyons arriver à travers la vitre le fourgon qui amène l’accusé, pour finalement le voir entrer dans son box. Les avocats s’installent, l’huissier déambule et finalement la cloche retentit : « Huissier : – La Cour ! ».
A cet instant le théâtre commence : Un cérémonial précis, un déroulement minutieux, suivant une trame rigoureuse explicitée par la Présidente de la cour à son micro :
- Exposition des faits
- Rappel de la Loi pour l’accusé
- Et enfin composition du jury…
« Nous allons maintenant procéder au tirage du jury de jugement, à l’appel de votre nom vous viendrez prendre place au côté de la cour, dans l’ordre défini par le sort […] »
A partir de cet instant, nous sommes tous figés et le temps semble s’étirer !
À la suite d’un appel général réalisé par le greffier, une boule avec notre numéro est introduite dans une urne, qui sera ensuite remise à la présidente pour le tirage.
Chaque numéro tiré est appelé au fur-et-à-mesure, laissant tout le temps à l’avocat de la défense et à l’avocat général de « récuser » (écarter) un certain nombre de jurés, tant qu’ils ne sont pas à leur siège attitré… Une expérience assez traumatisante pour certains puisqu’elle se fait sous les yeux de la cour, des avocats, de tous les jurés, mais aussi des deux parties y compris l’accusé… Pour le coup, on se sent vraiment examiné, de haut en bas, et les personnes pouvant nous récuser n’ont que des renseignements sommaires nous concernant ( nom, prénom, âge et profession ).
Durant un procès d’assises, les jurés titulaires sont au nombre de six, auxquels s’ajoutent entre un à trois jurés supplémentaires, qui pourront assister à tout sauf donner leur avis lors des délibérés. Pour ma part et bien que je ne puisse pas entrer dans les détails, je peux d’ores et déjà vous dire que je n’ai jamais été récusé, mais j’ai bien participé à une affaire au moins… Je n’ai été libéré de mes fonctions qu’au bout d’une semaine et demie sur une durée totale de deux, je vous laisse donc faire vos hypothèses !
Une fois le jury composé, le restant des jurés peut disposer et retourner à ses occupations, jusqu’au début de la prochaine affaire pour un nouveau tirage parmi les jurés…A savoir qu’un même juré peut ainsi être tiré au sort autant de fois que nécessaire durant la session : Certains jamais, d’autres systématiquement, comme ce fut le cas lors de ma session ! Mais je le rappelle, le tirage n’est que du hasard.
Autant vous le dire tout de suite : Oui, le juré n’est pas professionnel, mais non, rien n’est compliqué à comprendre. Le but de la cour d’assise est d’expliciter au maximum le dossier, instruit parfois depuis années, pour donner le plus de « billes » possibles aux jurés dans leur décisions lors du délibéré final. La cour est un exposé final des faits, des accusations et des témoignages, rien de plus. Durant une affaire, il est nécessaire d’établir ou non la culpabilité de l’accusé, pour cela il est interrogé sur sa vie et son parcours en dehors des faits, sa personnalité… Et la défense également. Sont ensuite amenés les faits via les témoignages, les experts, les interrogatoires menés et instruits dans le dossier dont les jurés prennent connaissance oralement.
Une affaire s’achève par les fameuses plaidoiries des avocats de l’accusé et de la défense, l’avocat général lui, donne ses réquisitions à l’encontre de l’accusé d’après tous les éléments en sa position, la peine « Juste » au regard des intérêts des victimes et de la société.
L’intime conviction
Vous l’aurez compris, être juré c’est écouter, noter, et tenter de reconstituer un puzzle parfois complexe pour assurer la Justice. Lors du délibéré, chaque juré est libre de son avis et de sa position, il représente un vote sur un total de neuf, soit une voix comparable aux juges professionnels. Les votes se font à bulletin secret, et comme le rappelle la Loi ainsi que la Présidente avant le passage au délibéré :
« Sous réserve de l’exigence de motivation de la décision, la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d’assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : » Avez-vous une intime conviction ? « ».
« L’intime conviction » doit guider la décision finale sans faire intervenir les sentiments personnels, des faits extérieurs à l’affaire, tout en tenant compte des intérêts de chacune des parties. Juger quelqu’un est une responsabilité immense, et autant vous dire que le délibéré pèse lourd dans le procès, les tensions sont palpables, et même si j’étais « extérieur », je me sentais très impliqué dans ces procès.
Ce que je retire de cette expérience
Je vais être honnête : lorsque j’ai reçu le premier courrier de la mairie en 2019, j’étais à la fois stressé et assez contrarié de devoir effectuer ce genre de tâche, bien loin des préoccupations du quotidien. La colère également, cette sensation d’être dans l’obligation me faisait m’agacer à l’évocation de cette expérience qui m’était littéralement tombée dessus. Des émotions négatives se mêlaient donc au début… Position que j’ai maintenue jusqu’aux premiers jours des assises, puisqu’après tout, cela ne va pas de soi d’arrêter ses activités et de consacrer du temps à des affaires et des individus dont nous n’avons pas forcément envie de nous mêler !
Cependant, au fil des jours mon regard a changé. Malgré le stress et la fatigue qu’engendrent de telles obligations, il s’agit là de voir le fonctionnement de la Justice de l’intérieur. Ecouter, démêler le vrai du faux, trancher ; autant de choses simples à énoncer qui sont pourtant loin d’être anodines.
Etre Juré, c’est aussi prendre de plein fouet les sentiments, parfois extériorisés, des différentes parties ; Mais tout ceci sans exprimer la moindre émotion pouvant indiquer un avis sur la décision finale…Il a été assez éprouvant de rester concentré pendant les procès qui se terminaient parfois la nuit bien tombée. De même, il est interdit de divulguer des informations sur les affaires, sous peine d’amende grave. Garder tout pour soi, était un réel travail sur moi et je suis content d’être sorti de cette période. Les jurés citoyens comme moi partagent cette lourdeur quotidienne, et il était bien de pouvoir échanger tout de même entre nous, histoire de se décharger moralement. Une assistance psychologique est proposée en fin de juré d’assises, pour ceux qui le souhaitent. Nous avons été très bien encadrés par la greffière chargée de s’occuper des jurés d’assises et je n’ai pas hésité à poser des questions quand j’en ressentais le besoin.
J’espère que cet article complet vous aura permis d’en savoir davantage sur cette fonction méconnue, pourtant indissociable du système judiciaire Français ! Le site du gouvernement vous donnera les informations nécessaires, si cela vous intéresse.
Merci à vous pour ces explications. à l’inverse de toi, cette expérience me fait très envie. mais serais-je tirée au sort un jour ? j’en doute…